Texte envoyé par Bruno, fidèle de ce site...

Merci a lui... merci a toi!

Il y a de "L'albatros" – celui de Baudelaire, bien sûr – dans la dégaine et la démarche de Jacques Bertin.Un peu dans sa silhouette de grand oiseau ; beaucoup dans cette rigueur faite d'orgueil, d'intransigeance et de dignité, qui le tient à l'écart des fadaises de la gloire et des frivolités de ce monde, mais où le poète "brave la tempête et se rit de l'archer" .Non par morgue, crânerie ou coquetterie : simplement parce que "ses ailes de géant l'empêchent – vraiment – de marcher" sur les sentiers tant fréquentés de la compromission et du succès médiatique.On ne choisit jamais une telle voie par plaisir, l'exigence poussée à ce point étant, le plus souvent, le plus court chemin vers l'incompréhension et la solitude.

Quelques uns (trop rares !), courageux, se sont frottés, comme lui, à cette solitude chantante.Il y faut donc beaucoup de lucidité, un évident courage et une haute conscience de son art.A ce sujet, Bertin aime d'ailleurs citer Félix Leclerc qui fut toujours, pour lui, une sorte de modèle et de conscience :"Je ne suis pas un chanteur, je suis un homme qui chante.

"A ses débuts, alors qu'il aurait pu n'être, au fond, qu'un jeune chanteur plein de promesses parmi d'autres, des critiques bien intentionnés pensèrent sans doute lui rendre service en le comparant à Brel, Ferré, Brassens ou Trenet.
Des influences que l'on pouvait, certes, pister çà et là dans ses premiers disques, mais qui s'estompèrent très vite, au profit d'une écriture ample comme un grand souffle et absolument différente de tout ce qui peut exister par ailleurs en matière de chanson.Une écriture qui, s'il fallait absolument la rattacher à une famille d'esprit, chercherait plutôt ses racines du côté de l'Ecole de Rochefort pour laquelle, il est vrai, Bertin n'a jamais caché son estime (ni sa tendresse admirative pour certains de ses piliers, comme René-Guy Cadou ou Luc Bérimont).

Ainsi donc est-il plus facile d'associer Bertin à une école de poésie qu'à l'héritage d'un certain âge d'or de la chanson. Là réside une grande partie du "problème".Pas seulement celui de Bertin, mais du principe même de la poésie chantée. Au-delà de son pur travail d'auteur, pourtant, Bertin est un interprète d'un lyrisme exceptionnel, doté d'une voix chaude et fraternelle, portant le chant comme une respiration vitale... ainsi qu'en témoigne à nouveau son tout récent album, « Comme un pays », beau, sensible, émouvant, transportant...Nul n'est prophète en son pays, dit-on.
De fait, Jacques Bertin, sans l"ombre d'un doute l'un des auteurs-compositeurs-interprètes francophones essentiels de ces dernières décennies, reste incroyablement méconnu en France. Il l'est beaucoup moins, paradoxe étrange, au Canada.Aussi, plutôt que d'entrer dans le jeu d'une vaine polémique, laissons donc ce mot au journaliste québécois François Desmeules qui écrivait (dans la revue Voir) : "Beaucoup de chanteurs célèbres devraient mourir de honte en entendant Bertin !"

   En 1978, on lisait dans Le Monde sous la plume de Claude Fléouter que Jacques Bertin s'imposait comme le plus important chanteur français depuis Brel et Ferré.Voilà quarante ans qu'il chante, et qu'il jazze sa poésie. Post-moderne, ombrageux, maquisard mais en liberté, il mène sa barque en s'auto-produisant puisqu'il a toujours refusé d'être du show-business.

Aujourd'hui, il se permet, et c'est jubilatoire, de saluer les avantages d'Internet, malgré les ravages du piratage.«Ça ne me dérange pas du tout que l'on copie mes disques ! Tout cela me fait marrer, puisque c'est cette pratique qui va tuer le big business avec ses propres armes. N'est-ce pas l'industrie qui vend ces machins sophistiqués qui permettent de tout recopier ?»En attendant, cet outil lui permet d'avertir sa «clientèle» des concerts à venir et de vendre des CD, lui qui n'est pas distribué !Qu'un artiste de cette envergure soit boudé des grands médias n'est pas étonnant.

Oui,  Bertin élève trop haut son art pour émouvoir les porte-micro du samedi soir. Avec lui la chanson annexe d'autres sphères, elle devient presque intimidante.

S'il chante sans compromission, hors des formats et des normes, Bertin n'est pourtant pas un doux rêveur.«Chante toujours, tu m'intéresses (ou les combines du show-biz)» était d'ailleurs le titre d'un essai qu'il signa en 1981 ; on pouvait y lire notamment :«Je suis passé à la télé et à la radio avec Jacques Chancel, ce qui me permet de narrer mes aventures. Je lui en sais gré. Pendant quelque temps même, le baron, avec une insistance méritoire, a pensé que je serais peut-être assez vite un génie sortable.

Cela m'a valu deux invitations au Grand Échiquier, plus une émission d'une heure un soir sur Antenne 2 et en prime une Radioscopie. De quoi je me plains ? Quelle ingratitude.
En fait, j'aime bien Chancel : il m'amuse. Cet homme-là, c'est Superman. La nuit, quand vous dormez, il est plongé dans la métaphysique de Maurice Clavel qu'il tient de la main droite, tout en compulsant, de la main gauche, le dernier Sagan, tandis que son pied gauche feuillette à la hache le tableau de la diplomatie internationale d'André Fontaine et que son pied droit manipule le pick-up où tourne mon dernier disque.

Comment il fait ? Il a des assistants qui bossent pour lui. Il peut ainsi se permettre de causer sur les ondes de traités de six cents pages qu'il n'a pas lus.»Cet ouvrage paru au Seuil n'était en fait rien d'autre que la (digne) suite d'«En avant la zizique» de Boris Vian - auquel Jacques Bertin pourrait être affilié. Il fait aujourd'hui le bonheur des bouquinistes.

   Jacques Bertin en concert... Et il est là, devant nous, seul à la guitare ou accompagné de son fidèle (et excellent) pianiste Laurent Desmurs), assis.Le silence se fait, dans lequel son chant se fait ample chemin.On ne s'en vient pas communier avec un chanteur culte, non, simplement écouter un homme qui nous dit des choses, les chante, nous parle de sa terre à lui, de sa Loire à Laleu, du vent dans les arbres, d'amour et de pure poésie.Et de ses copains aussi, collègues de surcroît, les Ferré, Semal, Bérimont, Aragon, Douai, Vasca et d'autres encore : «Amis soyez toujours ces veilleuses qui tremblent / Cette fièvre dans l'air comme une onde passant / Laissez fumer longtemps la cendre des paroles» (Vasca).Comment vous suggérer la voix de Jacques Bertin si vous ne la connaissez pas, si jamais à ce jour elle ne vous est point parvenue ?
Une voix juste, précise, mélodieuse et chaude, qui respecte les mots qu'elle véhicule, autant que le spectateur. Elle ondule pareille à des instruments.Il est assis, serré à sa guitare dont il joue haut sur le manche. On a dit, on a pu croire, que chaque musique est par lui semblable à la précédente, qu'au bout du compte, du récital, elles font une.Erreur ! Chaque pièce est un tableau, scène peinte d'émotion, bijou de contemplation et merveille d'écriture.

Et l'auditeur attentif saisit l'ampleur de la palette musicale de Jacques Bertin : elle est  simplement cohérente et ne nous égare pas en de faux chemins, de faux semblants. Son chant est... juste.Respect, vraiment !

J'espère, pour finir, que votre venue sur le site d'Hervé, vous permettra, si ce n'est déjà fait, d'entrer dans l'univers de Jacques Bertin, poète humaniste, écrivain sensible, homme chaleureux (je le sais pour avoir discuté très « simplement et fraternellement » avec lui juste avant un de ses concerts parisiens), chanteur (pardon, « homme qui chante » !), juste, interprète exceptionnel et... touchant.

Bruno Boulais(D'après une compilation de documents trouvés sur Internet).


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Un CD sorti en 2010: "Comme un pays".

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Bruno me signale qu'un nouveau CD de Jacques est prévu pour mai 2013 : "L'état des routes".

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Voici la critique de ce CD "L'état des routes", envoyée par Bruno, fou à lier de Bertin:

  Excellente livraison, encore une fois!,en ce mois 2013, de l'ami Jacques Bertin qui, dans cet album nous donne à écouter un ... état des routes.

En effet, au prétexte d'un voyage (réel ou imaginaire), l'auteur compositeur interprète délivre, à qui veut l'entendre, un état de lui-même: sa vie, ses humeurs, ses amours perdus, ses fantasmes, ses colères (ha! la fin du magnifique "Les grands châteaux abandonnés"!), ses proches, son rapport difficile aux autres, son humanité, sa difficulté à entrer en relation "avec ses congènères", la vulgarité, le danger que constitue le fait de vivre sa solitude...

Les textes sont forts, la musique et les accompagnements absolument superbes et sompteux: les mots délivrés "engagent" leur auteur, au sens propre du terme, et encouragent (obligent?) l'auditeur (le lecteur aussi, puisqu'un petit carnet avec les textes des chansons accompagnent l'album...)à réfléchir et à méditer sur cet engagement de tous les instants, celui d'un homme meurtri, blessé et déçu des humains, certes, mais... vivant, ho, combien!

Car il en faut de la vie, c'est certain, pour créer cet album,cette oeuvre artistique, émouvante à pleurer (écoutez l'ami jacques chanter, entre autres, le dernier "froid" de la chanson "'hiver en France", pleine d'intelligence, de lucidité, d'amertume, de désespoir et de ...joie!

Un des albums, pour moi, le plus accompli, sans doute, de Jacques Bertin qui se met "à nu", avec la pudeur qu'on lui connait...

Chaque son, chaque mot, chaque syllabe, chaque note non seulement trouvent leur place, mais SONT exactement là où ils doivent se trouver: du très beau travail de la part de cet excellent artisan de la très bonne chanson française, hélas toujours ignoré des grands médias... Quel dommage!

Merci quand même à Radio Libertaire et à France Culture (et à quelques très rares autres!) qui le programment, de temps à autre.

Et à ceux qui le ne connaissent pas ou peu, écoutez-le au moins une fois: il le mérite! Et si vous parvenez (ça n'est pas toujours facile!) à entrer dans son univers, à partager ses doutes, ses interrogations, ses certitudes, sa clairvoyance, sa lucidité, son mal de vivre, alors Jacques Bertin ne vous lâchera plus!

A commander donc, de toute urgence, auprès des Editions VELEN: velen.disques@gmail.com (09 53 19 06 25), ou sur le site de Jacques Bertin.

 Bruno BOULAIS


  Bien écrit, n'est-ce-pas? Quelle passion, Bruno!

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  Une autre info: Le site de Bruno.

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 Un message envoyé par Bruno qui nous parle d'un texte de "Les chants d'un homme" écrit par Jacques:


L'un des textes du présent recueil, Aux funérailles au funambule, est une admirable histoire de poésie vivante. C'est le seul texte du recueil dont la paternité est partagée, en l'occurrence avec Allain Leprest, un autre très grand poète et chantauteur, qui appréciait particulièrement Bertin. On reconnaît d'ailleurs bien la patte de chacun des deux coauteurs et, de ce point de vue, l'étude du texte est passionnante. En 2005, Leprest était venu voir Bertin au Forum Léo Ferré d'Ivry et avait griffonné des bribes de poème durant son concert. Il avait ensuite confié ce texte à Bertin, probablement avec l'idée vague qu'il pourrait arriver ce qui arriva : que Bertin le finisse. Cette anecdote et les documents qui lui sont liés et qu'on peut retrouver sur le site de Velen donnent l'occasion de voir quelque chose qu'on voit rarement, de la poésie en train de se faire. Rêvons un peu : cela pourrait déboucher sur de belles leçons et de fructueuses réflexions à qui veut les entendre sur la façon dont naissent les textes poétiques.

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Un nouveau CD " Seul, dans le paysage ". Mars 2016.



 

1.

CZAK Hervé Le 06 novembre 2011 à 15h11

Je suis très touché par cet article sur BERTIN qui a un pouvoir de l'émotion et de sa communication en concert et sur disque !


2.

Jacques WAGNER Le 13 septembre 2015 à 11h26

Je vous suis entièrement; Bertin est un auteur majeur, homme qui chante effectivement. Dans le cadre d'un cours sur la critique littéraire, je me suis permis d'utiliser ses textes et leur interprétation chantée pour le faire connaître de jeunes gens qui l'ignoraient superbement, non par indifférence (car ils ont reconnu très vite en lui un auteur/compositeur/interprète superbe), mais parce que la chanson à leurs yeux relève d'un genre mineur qu'on écoute pour se divertir, comme le cinéma aux yeux de certains amateurs de haute culture passe pour un divertissement trop populaire pour avoir droit à leur attention. Une fois connu et apprécié, Bertin n'en sera pas pour autant vraiment recherché car il faut avoir intégré le poids de la condition humaine pour entrer dans sa complainte hantée par le deuil de l'amour (individuel et social), parfois jusqu'à la dépression, même s'ils savent pour avoir lu le texte d'Aristote sur la question, qu'il y a un lien entre le génie et la mélancolie. En outre, ayant fait de la chanson un art véritable, Bertin exige une attention maintenue durant la durée de chaque pièce, ce qui est quasiment impossible pour des jeunes biberonnés au zapping ; je dirais qu'une fois connu, il est davantage respecté, admiré, monumentalisé, si j'ose dire paradoxalement puisque les prestations du chanteur évitent tous les excès usuels du spectacle et cultivent davantage le minimalisme intime pour donner aux mots et aux notes toute leur densité de saveur et d'émotion. Expansion du chant poétique et concentration du corps vibrant. Tout le contraire de la mise en scène des tours de chant populaires actuels. Heureusement qu'on peut désormais facilement l'écouter et le voir grâce à Internet (note: j'ai acheté tous ses disques, son DVD et son recueil de poésie). Qu'il poursuive longtemps encore à écrire et à nous enchanter, malgré la tristesse parfois atroce que ce monde provoque en nous (je pense au petit Aylan, qui symbolise toutes les horreurs de notre égoïsme de nantis apeurés par la misère des damnés de la terre, le danger des classes populaires qui effrayait les classes dominantes du XIX étant désormais remplacé par les réfugiés fantasmés en envahisseurs prêts à détruire notre civilisation chrétienne!!!) . Que J. Bertin ne sombre pas dans le désespoir et tente de nous parler encore et encore. Bien fraternellement à lui. Et merci à vous. JW


3.

Hervé, l'auteur de ce site Le 13 septembre 2015 à 12h04

Bonjour
Vous êtes vibrant , pour vous aussi , quand vous parlez de Bertin!
Merci pour votre visite !


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